Peut-on licencier un salarié qui a incité des membres de son équipe à mener une action de grève, suite à refus d’une revendication professionnelle par la direction ?

 

 

Après le mouvement national du 19 janvier 2023, nous nous dirigeons vers une nouvelle journée de mobilisation le 31 janvier 2023. Défendre des revendications professionnelles en cessant de travailler est un droit reconnu à tout salarié. Peut-il néanmoins être sanctionné en cas de grève ? Qu’en est-il s’il incite ses collègues à rejoindre un mouvement de grève ?

« Déjà, une fois, paraît-il, les grévistes étaient venus débaucher ceux qui travaillaient » (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 258)

📢 Les conditions d’exercice du droit de grève

Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantit le droit de grève, qui est considéré comme une liberté fondamentale , sans toutefois qu’existe une définition légale de la notion de grève.

Elle est donc généralement définie comme une cessation collective et concertée du travail, destinée  à faire aboutir des revendications professionnelles .

L’exercice du droit de grève doit remplir cinq conditions :

  • la cessation collective de travail  ;
  • la cessation totale de travail  ;
  • être consécutif à des revendications d’ordre professionnel ;
  • être destiné à satisfaire des revendications déjà exprimées ;
  • ne pas avoir pour objectif de désorganiser l’entreprise.

📢L’interdiction du licenciement en raison d’une action liée à l’exercice du droit du grève, SAUF le cas de faute lourde du salarié

L’article L1132-2 du code du Travail dispose qu’« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire mentionnée à l’article L. 1132-1 en raison de l’exercice normal du droit de grève. ».

Récemment la Cour de Cassation a ainsi rappelé (⚖️ Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 novembre 2022, 21-19.722) :

« …..  Pour rejeter la demande en nullité du licenciement et les demandes subséquentes, l’arrêt retient qu’il ne saurait être retenu, au regard des pièces et explications produites de part et d’autre, que le salarié a été licencié parce qu’il avait eu l’intention d’exercer son droit de grève, que la lettre de licenciement lui reproche en effet, non d’avoir souhaité mettre en oeuvre ce droit à valeur constitutionnelle, mais d’avoir tenté d’inciter les membres de son équipe de mener une telle action en réponse au refus de la direction d’engager du personnel supplémentaire, qu’il ne peut donc être fait droit à la demande de nullité du licenciement présentée par le salarié.

8. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement reprochait au salarié d’avoir tenté d’inciter les membres de son équipe à mener une action de grève en réponse au refus de la direction d’engager du personnel supplémentaire, ce dont il résultait que les faits reprochés avaient été commis à l’occasion de l’exercice du droit de grève, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute le salarié de ses demandes tendant à ce que soit jugé nul et de nul effet son licenciement … ; »

En effet l’article  L2511-1 du Code du travail rappelle notamment que « ……. Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit. »

En matière de rémunération, l’employeur est cependant en droit de pas payer le salarié gréviste, puisque le contrat de travail est suspendu en cas de grève du salarié, et, en principe, la rémunération également ( Attention ! : la retenue sur salaire doit être proportionnelle à la durée de la grève ; une retenue supérieure serait considérée comme une sanction pécuniaire, interdite par la loi).

Ainsi l’article  L2511-1 du Code du travail limite la possibilité de licencier un salarié gréviste,  au seul cas d’une faute lourde commise par lui ( qui suppose donc la démonstration d’une intention de nuire à son employeur ou à l’entreprise.)

Les Juges ont retenu la faute lourde  dans les cas illicites suivants:

  • l’entrave apportée à la liberté du travail ;
  • la séquestration d’une personne
  • les menaces, violences et agressions verbales ou physiques 
  • le refus d’exécuter une ordonnance d’expulsion 

La faute lourde suppose néanmoins de démontrer que le salarié a personnellement participé de façon active à au moins l’un de ces faits illicites.

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